L’Accès à la Nature est un droit sérieusement menacé depuis la récente loi du 2 février 2023. Avec en toile de fond des conflits d’usages entre grimpeurs, randonneurs, trailers, VTTistes, skieurs, chasseurs, ONF et surtout propriétaires terriens. Sans une évolution rapide de cette Loi, notre droit d’Accès à la Nature risque d’être fortement compromis.
Les Hauts de Chartreuse
Le plateau des Hauts de Chartreuse est un espace de promenade, d’évasion, de liberté, d’observation de la faune et de la flore locale. Pour nous habitants de Chartreuse, le vallon de Marcieu situé sur le plateau sommital, est depuis toujours un formidable terrain de jeux. Situé à 2000m d’altitude, nous y venons depuis des décennies faire du sport ou simplement se promener le temps d’une journée. L’Aulp du Seuil est un des très rares passages pour accéder au plateau des Hauts de Chartreuse. On peut pratiquer l’escalade, on y passe souvent en parapente ou en randonnée pédestre. L’hiver, on fait du ski de rando notamment par le célèbre couloir en virgule, un des uniques couloirs à ski qui sort au sommet, ainsi qu’aux très élancées Lances de Malissard. Les (rares) jours de vent, on peut faire du snowkite dans le Vallon… Bref, la liste est longue des belles journées que l’on a passées là-haut.
Vue aérienne des Hauts de Chartreuse et du Vallon de Marcieu, lors d’un cross en parapente ©Guillaume Broust
Une loi qui pénalise les randonneurs
Seulement voilà, la récente loi n°2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels (plutôt une bonne chose, sur le fond) ouvre la brèche aux propriétaires terriens pour interdire l’accès à leurs terrains. Il fallait auparavant devoir grillager l’ensemble de votre terrain, désormais une seule pancarte permet aux propriétaires d’interdire l’accès aux parcelles, quelques fois gigantesques. Il faut savoir qu’en France, les 3/4 des espaces naturels se situent sur des terrains privés. Donc peu importe où vous allez pratiquer votre activité de pleine nature, vous serez forcément chez quelqu’un.
Et c’est ce qui s’est donc passé en Chartreuse, mais aussi dans les Vosges, le Vercors ou les Alpes Maritimes depuis quelques mois, et certainement bientôt dans une large partie du territoire français. Si le cas fait jurisprudence et que d’autres propriétaires décident d’emboîter le pas (très probable), vous n’aurez bientôt plus le droit de vous balader dans la Nature. Vous risquez, s’il y a décret d’application, une amende forfaitaire de 135€.
Des associations et organisations tentent de faire évoluer la Loi pour que la Droit à la Nature ne soit pas un crime, basé sur des modèles scandinaves par exemple. Mais la route est longue, car la proposition de Loi visant à faire évoluer la Loi du 2 février 2023 vient d’être rejetée par les députés, en grande partie par les groupes RN et LR.
La très esthétique Tour Percée de l’Aulp du Seuil ©Bruno Lavit
Un Parc, des chasseurs et un Marquis
En ce qui concerne la Chartreuse, le photographe et écrivain Pascal Sombardier publie en 2006 la célèbre photo de la Tour Percée de l’Aulp du Seuil dans son livre Chartreuse Inédite. Une double arche incroyable, qui attire des touristes et randonneurs pour admirer ce paysage extraordinaire. L’Aulp du Seuil connait alors un succès inédit. Seulement voilà, cette arche se trouve sur une propriété privée et des conflits commencent à apparaitre entre promeneurs et propriétaire du lieu, le Marquis de Quinsonnas-Oudinot. Cet historique est détaillé dans ce très bon article sur le site Reporterre.net.
Car ce n’est pas qu’un seul conflit d’usage, en ce qui concerne les Hauts de Charteuse, la cause est plus insidieuse. Ce Marquis de Quisonnas, sous couvert de détérioration de son terrain par les randonneurs (sic) en profite pour fermer l’accès à son territoire, afin d’organiser des chasses privées hautement lucratives.
En clair, un noble ayant hérité il y a quelques siècles de la moitié de la montagne, ferme désormais son domaine pour que de riches étrangers Russes, Américains ou autres, moyennant des milliers d’euros, puissent venir en toute tranquillité (et en légalité) tirer du chamois dans des chasses privées dans un Parc Naturel Régional. On croit rêver.
La presse s’empare de ce fait divers.
Mais un fait d’hiver en chassant un autre, la sauce chasseur retombe.
Et le Marquis reste chez lui.
Le collectif Chartreuse et le droit à la nature
Et maintenant ?
– Le Collectif Chartreuse a lancé une pétition largement relayée (40.000 signatures) pour peser dans le débat sur le conflit des Hauts de Chartreuse. Vous ne l’avez pas encore signée ? Faites-le !
– Le site Droit à la Nature.org a publié une Tribune pour que se promener en nature ne soit pas un crime.
– Comme toute polémique a sa part de désinformation, le (regretté) Petit Bulletin a publié un article détaillé pour démêler le vrai du faux sur les informations des Hauts de Chartreuse.
– Voici une carte provenant du site AltiRando qui montre l’étendue de la zone concernée.
T-shirt pour le collectif chartreuse
Pour ma part, j’avais participé bénévolement au projet en faisant la création d’un T-shirt de l’Arche, afin d’aider à communiquer sur le sujet. J’ai détourné l’emblème du Parc de Chartreuse, le hibou Grand-Duc en mode « pas content ». Puis j’ai stylisé la Tour Percée avec la mention Homo Sapiens Cartusiana, pour signifier que l’homme navigue dans cette zone depuis plus longtemps que la Loi du 2 février 2023.
Avec un clin d’œil spécial à notre Rupicapra Cartusiana (Chamois de Chartreuse) que les chasseurs viennent tirer lors les chasses privées organisées par le Marquis. Seul le logo du hibou a été retenu dans la version finale du T-shirt, que vous pouvez commander ici.
A noter : Je ne touche aucun dividende sur la vente des t-shirts, et je n’ai d’ailleurs jamais été personnellement voir la Tour Percée.
Ski & kite dans le vallon de Marcieu [VIDEO]
Cette vidéo avait été tournée il y a quelques années par Benjamin Lévêque, alors que nous nous baladions simplement en ski avec Antoine Boisselier sur les Hauts de Chartreuse. L’Aulp du Seuil est un havre de paix, une bulle de quiétude pour la faune et la flore de montagne. Elle est aussi depuis de nombreuses années notre terrain de jeu, en ski, en kite, en parapente, en escalade ou simplement se promener et prendre l’air… Les images ont été montées par Romain Bindi.