Lors du tournage au Ladakh avec l’équipe de Riding to Explore en Novembre 2021, nous avons eu la chance d’apercevoir une panthère des neiges (snow leopard) et ses deux petits. Retour sur cette expérience hors du commun, à faire frémir les plus grands photographes animaliers.
L’idée du projet de Riding to Explore était de monter au-dessus de 5000m d’altitude, pour kiter sur les lacs glaciaires. Au-delà de la performance sportive (kiter à des températures d’eau avoisinant le 0°C) le projet était aussi de créer des images insolites pour montrer ces lacs qui sont désormais navigables, en raison notamment du recul des glaciers.
Lors de cette expédition, nous montons au lac de Nimaling, situé sous le Kang Yatse II (6496 m). Mais après 5 jours de montée, il faut se rendre à l’évidence. L’hiver précoce nous amène un froid glacial (-20°C régulier, jusqu’à -30°C la nuit) et de la neige à répétition. L’eau des rivières et des lacs gèle complètement. De plus, l’idée initiale était de passer par un col (5500m) et redescendre ensuite sur la vallée de Gya, où nous avions rendez-vous pour terminer notre documentaire. Le village de Gya a été ravagé par une crue torrentielle, due à la rupture partielle du lac glaciaire situé en amont. Mais les chutes de neige importantes nous bloquent le passage et nous ne souhaitons pas engager les chevaux et l’équipe dans cet itinéraire hasardeux et coupé de tout secours. Le téléphone satellite est interdit au Ladakh, nous n’avons aucun moyen de communication si quelque chose devait arriver.
A regret, nous décidons donc de rebrousser chemin et redescendons vers le fleuve Zanskar, d’où nous pourrons récupérer une jeep et tenter de naviguer sur un autre lac. La déception est rude. Nous avons attendu quatre jours sur les hauts plateaux à braver la neige et le froid, et nous organisions cette expédition depuis plus d’un an. Mais nous nous résignons et reprenons la voiture pour emprunter la route vers Chilling.
Rencontre avec la Panthère des Neiges
Nous longeons cette route sinueuse qui longe le fleuve Zanskar, quand soudain Armelle (qui est assise à l’arrière de la voiture et au milieu, ndla) s’écrie “Stop ! Stop !”. Elle a cru voir des loups sur l’autre versant, situé à une centaine de mètres de nous. Nous sortons de la voiture, et là stupéfaction. Ce ne sont pas des loups, mais une famille de léopards des neiges qui est là, à une toute petite centaine de mètres de nous ! Une mère et deux petits sont tranquillement en train de remonter la pente depuis le fleuve, sans trop se préoccuper des voitures qui passent sur l’autre versant. Irréel !
On émet l’hypothèse qu’avec les températures extrêmes qui ont gelé les rivières récemment, la maman léopard a été contrainte de descendre plus bas dans la vallée pour faire boire ses petits. Nous restons là, éberlués, à contempler ce miracle de la Nature. Il doit rester entre 3000 et 4000 spécimens de panthères des neiges dans le monde. Nous en avons trois, juste devant nous, que l’on contemple pendant plus d’une demi-heure avant qu’elle ne remonte la pente tranquillement. Nous préférons ne pas sortir le drone, de peur de les effaroucher ou risquer de les blesser. Nous prenons quelques photos et repartons, les yeux encore éblouis par ce spectacle.
Comme toutes ces rencontres que j’ai pu avoir avec les grands mammifères, les prédateurs ou la faune pélagique, le temps s’arrête l’espace d’un instant. Lions, panthères, éléphants, baleines, requins, raies-mantas, orangs-outans, hippopotames, rhinocéros… le temps se fige. Nous sommes dans la contemplation de la force, mais aussi de la fragilité de ces derniers grands animaux. On essaye de capter le moindre détail. Puis rapidement on pose l’appareil, pour enregistrer avec les yeux, là où la mémoire ne s’effacera pas.
La panthère des neiges est tellement adaptée a son environnement, que même si nous ne sommes pas loin et que nous savons précisément où elle se trouve, elle devient invisible dès qu’elle s’arrête de bouger. C’est tout simplement incroyable. Ses petits la suivent, et cherchent leur chemin dans le dédale de neige et de pierres.
Panthère ou léopard des neiges ?
La confusion est commune, voici quelques éléments de réponse. Le mot « Panthère » (Panthera) désigne le genre de la grande famille des félins. Ce genre comprend cinq espèces, qui sont le léopard (panthera pardus), le lion (panthera leo), le tigre (panthera tigris), le jaguar (panthera onca) et la panthère des neiges (panthera uncia). Ainsi, tous ces félins sont des panthères, mais le léopard est aussi le synonyme de panthère ! Par contre, le guépard et le puma ne font pas partie de cette famille.
Dans le langage courant, le mot léopard désigne généralement un animal au pelage fauve tacheté. Bien que pouvant de manière tout à fait correcte être appelé panthère car c’est un synonyme (mais aussi son genre supérieur, vous me suivez ?). Par ailleurs, on appelle une panthère noire l’animal qui est en fait un léopard noir, mais qui n’est pas une sous-espèce. La panthère noire est un léopard avec une mutation génétique (le mélanisme) qui rend sa robe très foncée.
Dans le cas de la Panthère de Neiges, on peut donc l’appeler soit Léopard des Neiges, soit Panthère Blanche, soit Irbis ou même Once (car on ne la verrait qu’une seule fois !). Pour finir cette parenthèse naturaliste, voici des images vidéo d’une panthère des neiges, tournées par National Geographic, qui fait une chute de 120m en chassant un bharal. Attention, images spectaculaires !
Making-of de l’expédition en Himalaya
Voici enfin quelques images backstage, prises durant le tournage de l’expédition au Ladakh. Conditions extrêmes et matériel mis à rude épreuve, pour un rendu d’images inédites. Vous pouvez retrouver le projet d’Armelle et Martin sur le site Riding to Explore, et un film documentaire réalisé par Alex Lopez est en cours de diffusion, dans lequel vous pourrez voir mes images de la panthère en vidéo!